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OEUVRES

TEXTES - OEUVRES

ELENA SOROKINA

Communiqué

Mai 2013

Dans les arts visuels aujourd’hui, la théâtralité est devenue une valeur phare et l’une des stratégies les plus stimulantes. L’obsession des arts contemporains pour la mise en scène, le jeu de l’acteur et un usage courant des conventions théâtrales ne cesse d’infiltrer les discours de la peinture, de la sculpture, de la photographie, de la vidéo.

Chez Laurence Forbin, c’est la une relation complexe entre son travail pour le théâtre et son parcours de peintre qui alimente ses ressorts créatifs et ses visions. Bien qu’elle tienne ces deux mondes séparés, ce qu’elle crée au théâtre manifeste une exubérance des couleurs et des formes, et sa peinture possède une certaine théâtralité tout en restant de nature intensément personnelle. Son langage visuel emprunte à l’écriture chinoise, à la peinture contemporaine ainsi qu’aux maîtres du passé et elle a forgé un style singulier en développant une fusion unique des couleurs, des formes, des rythmes, des textures, dans une déclinaison contemporaine de l’expressionnisme. Elle utilise aussi les moyens figuratifs propres à la peinture et parfois, par la manipulation de plusieurs éléments fait naître de subtiles narrations.

La série Matières Premières (1990-2013) transmet à la fois la charge émotionnelle et la réalité physique de l’étreinte, mais plus encore sa dualité. Dans ces peintures la vitalité organique des corps heurte un fond blanc -un vide- qui apparaît comme un espace très ambigu : un lit, mais aussi une scène éclairée par un puissant projecteur, et dans cette lumière troublante le nœud de chair convulsée cherche ses appuis. Captant ainsi la fluidité des corps l’artiste met en place sa vision entre le geste contrôlé du calligraphe et l’intensité sensuelle des expressionnistes.

Pour la série  Destructions (2010-2013), le point de départ de l’artiste fut la tempête de 2010 qui traversa la France, mettant à terre un grand chêne qu’elle avait toujours connu à la croisée d’un chemin de campagne. Forbin poursuit avec ce matériau visuel une réflexion sur le mouvement en peinture qui passe par des compositions intenses aux vigoureux coups de pinceaux, et des accents de tons et de couleurs. L’organisation gestuelle de diverses fréquences et directions rythmiques fait simultanément référence à un espace empirique et à un paysage imaginaire ; la série peut se lire comme un espace mental qui prend forme dans la mémoire d’émotions , d’événements, et qui traduit à la fois une fascination et une terreur pour les énergies destructrices du monde.

La couleur est essentielle dans la peinture de Laurence Forbin et dans la série Cargos (2004-2013) , elle réalise des accords intenses grâce à des mélanges dynamiques de la couleur sur un support métallique. Dans Cargos ,le mouvement prend un sens très différent de celui de Destructions. L’espace pictural en est la aussi le lieu mais les cargos y révèlent leur propre ambiguïté : conçus pour le transport sur mer ils apparaissent comme d’énormes constructions incapables d’aucun mouvement ou déplacement. Forbin résout cette contradiction métaphorique à travers une image théâtrale. Dans sa série, les cargos deviennent des sortes de scènes mouvantes à travers leurs architectures, leur mécanique, leurs lumières et les rituels qui structurent la vie des marins sur ces gigantesques plateformes flottantes.

RICHARD DEMARCO

Art critic, Gallerist, Artist

17 octobre 2003

Edinburg

Laurence  Forbin  is an artist following in the footsteps of a special and important International family of artists who have been attracted to the physical reality of Scotland in the spirit of arts : explorers.

Their exhibition in Scotland reveals their capacity to look at Scotland from the viewpoint of stranger travelling in a world which is revealed to them as a wondrous place, possessed of magical beauty, found nowhere else.

It is the land the Celts know and respect as T’Irn’An Ogg ; the land of the ever young, where time stands still in midsummer, where the sunset and the sunrise occur simultaneously.

Not only is the light uniquely beautiful, so also is the stuff and substance of the very earth itself and the rock formations, particularly around the coastline of the Hebridean  islands.

Laurence Forbin has followed the road to the Isles as before her, over the past four decades, did Joseph Beuys, Gunther Vecker, Klaus Rinke  and Gerhard Richter from Germany; John Schuler and John David Mooney from the United States, as well as her French compatriots Eugène Leroy and Sylvain Bieth.

Her drawings and paintings express her commitment to the spirit of modernism, in the great tradition originating with Cézanne. With pencil, pens and brushes she releases a physical energy controlled by a highly intelligent awareness of the basic organic structure of Scottish landscape, without a trace of that sentimental expression all too many artists use when confronted by Scotland’s beguiling beauty.

Richard Demarco ,art critic, gallerist ,artist

17th October 2003 Edinburg, for the opening of the exhibition at The Burnside Gallery, Isle of Arran Scotland

GRAEME FIFE

Auteur, journaliste

2003, Kent

Laurence Forbin’s paintings, sketches, sculptures, are charged with a sensibility as finely primed as a hair trigger. Her response to form, colour,  texture, is visceral; her eye drawn to the unmanageable bulk as well as the beauty in land and seascape, the bruising impact of nature on her.

Her art nods significantly towards another area of her work, the theatre, where drama bursts out of the interplay of word and thought, of action and intent. In her work as a painter, natural forces crowd onto the stage in front of her and demand her attention. Rocks, wind-whipped sea, the voluptuous hollows and mounds of earth exert their presence and their elemental power, the buxom shapes of her terrain echoing the women she paints- full –bodied, dancing, tormented by desire, yearning, impatient for unbuttoned risk.

Forbin has spent much time, fruitful time, in the wild north of Scotland and in the western isles, up by the rim of light, where horizon stretches to nothingness of ocean and the landscape is shaped by fierce winds and gentle mists, sea frets and furious tides hacking at the shorelines, a bathing of colours from an earthen paintpot  swallowed up by the grim overcasts of iron grey and walled thunder when the storms roll in.

There are no people in these tempestuous studies of granite and green water; the environment Forbin has evoked does not need them. She has depicted a scenery too rough to accommodate genteel human presence. Only, she has dug her fingers into the earth, as it were, grabbed hold of the rocks forcibly, caught the spindrift off the beating waves and scattered the winds.

Paint not the thing itself but the effect it has on you. Forbin’s passion for the subject is here, vibrant, honest, striking.

Graeme Fife.

2003  Kent

Author, journalist,

ANNE BOLORI

Février 2017

Quelle émotion trop forte,  trop grande  a poussé Laurence Forbin à l’exagération picturale de ses personnages, à les élever au-dessus du sol dans un évident mouvement de lévitation et à les rattacher dans le même temps  à la terre par la taille gigantesque de leurs pieds.

Sans repère terrestre autre que cette arche électrique, arche d’alliance, coupole de réconciliation,  placée au-dessus d’un sol qui se dérobe,  leurs gros pieds se meuvent dans l’espace et  leur grossièreté même les ancrent dans la glaise.

Accrochés l’un à l’autre comme par un  nœud de chair, ces corps cathédrales  s’empoignent à mains  de géants dans l’épaisseur charnelle de leur étreinte.  Ce nœud central n’est pas sans rappeler la calligraphie chinoise qui nourrit en sous-main la peinture de Laurence .Forbin  et où,  si chaque signe représente une idée, deux signes sont nécessaires pour former un mot, débuter une histoire. Car c’est bien une histoire qui s’écrit ici, celle entre un homme et une femme mais où, pour une fois, les rôles sont égaux.

Corps triviaux gorgés de vitalité qui savent donner, se donner, mains de marins, mains d’hommes qui savent empoigner, ces « lascars ont les bras qui serrent » mais les femmes ne sont pas en reste. Elles s’agrippent, enlacent à leur tour,  se frottent à « ces corps barbares » panse contre panse avec jubilation et une sensualité non pas débridée mais acceptée.

Tango,  valse musette on ne sait pas exactement ce qui se joue. Les corps s’arc-boutent avec une énergie, une violence originelle.
Il y a dans les toiles de Laurence Forbin un bruit de tempête qui gronde et des gestes graves. La mort y rôde car dans cette houle immense de la vie,  l’homme n’est au fond qu’une coquille de noix. Son grand corps ses grands pieds ses grandes mains n’arrivent pas à masquer sa fragilité.

Vissés l’un à l’autre, ces couples qui s’abandonnent et se soutiennent à la fois devant nous,  dansant corps contre corps dans l’amour et dans la mort,  identifiant nos pulsions, nous permettent de reconnaître notre part d’ombre et par la même notre humanité.  

L’utilisation de l’huile, de ses couleurs chaudes comme de la lave accentuent la sensualité, l’intemporalité des personnages et nous les rend plus proches encore. Avec leurs chevelures rousses leurs robes rouges comme le sang ou vertes comme les vouivres qui hantent les eaux maléfiques, ces femmes apparaissent également diaboliques par la puissance de leur étreinte. Et si les vareuses des hommes arborent le bleu du ciel ou de la mer ce n’est peut-être  pas tant pour nous mener vers la spiritualité mais pour nous rappeler aussi que si la femme attire l’homme dans ses rets, celui-ci s’en échappe car il faut « que les hommes curieux tentent les horizons qui leurrent ».

ALAIN BOURDON

Directeur à

l'Institut Français d’Istanbul

2004

L’une part d’une d’ une réalité brute, immédiate, quotidienne. Elle s’en empare, la travestit puis la sort de son contexte pour en faire un objet de décoration, d’usage quotidien (couvertures de chaises ou de sofa), pour l’offrir au regard de l’autre, à son inquiétude, à son indifférence ou à son incompréhension.

L’autre plonge au plus profond d’elle-même, exhume des batailles intimes, met au jour des guerriers extraits dans leur violence originelle en même temps qu’immédiatement ciselés. Violence domptée pour être donnée à voir mais prête à tout moment à resurgir, à reverser le chaos.

Quand l’une se réapproprie le collectif et le transforme, dans l’espoir de lui redonner sens, l’autre se déprend du plus intime d’elle-même pour lui conférer forme et, là encore, sens.

Trajectoires inversées mais qui finissent par se retrouver dans une même prise de risque : ici comme là, en effet, l’entreprise est périlleuse, fragile,  aléatoire.

Dès lors ce qui rapproche Handan Böruteçene et Laurence Forbin et qui du même coup, légitime cette exposition commune, c’est peut-être moins leur traitement du thème de la guerre que la manière dont l’une et l’autre mettent le sens en péril, se mettent elles-mêmes en péril.

Ce n’est peut-être qu’à ce prix qu’un artiste peut se croire fondé à parler de la guerre ; ce n’est peut-être que dans dans la violence qu’il impose aux apparences et à lui-même qu’il peut, le plus sûrement, le plus profondément, tenter de dire l’innommable.

LAURE BUHART

« Regard critique »

Salon de la Jeune peinture

1991       

Dans un tourbillon sauvage les corps s’enlacent, fusionnent. Danse, empoignade ou spasme ultime ?

« Concentration d’énergie, mouvement, une vingtaine de toiles inspirées par la chanson de Brel Amsterdam », répond Laurence Forbin, le regard clair.

A la violence des  rencontres répondent les corps disloqués.

L’érotisme puissant de ces corps à corps impitoyables s’apaise dans une étreinte ultime. Rythmée par les couleurs acides, la brutalité convulsive grandit à mesure que la matière s’amenuise, se fait transparente pour mieux laisser apparaître la toile vierge.   

LAURENCE FORBIN

Kars Exposition

Juin 2006

Paris

« Car c’est de l’homme qu’il s’agit, dans sa présence humaine, et d’un  agrandissement de l’œil aux plus hautes mers intérieures »  

Saint-John Perse-Vents

Plus que de paysages devant lesquels on est en contemplation, je parlerais de nature dont l’homme fait intégralement partie. Celle que je convoite est une nature où les forces en présence  écrivent plus vite, plus clairement qu’ailleurs.

Dès lors elle devient un sémaphore, un formidable réservoir de signes qui seront le ferment de mon langage pictural.

Dans ce grand est de la Turquie où j’ai commencé à travailler cette année, Kars est une vision bruissante de maisons pastel  et de peupliers .Autour d’elle, ouvert à 360 °, le disque très vert de ses immenses pâturages cernés au loin par  de triples ,quadruples, sextuples chaînes de montagnes. Et quand on y parvient, c’est le chaos des origines, une tourmente de lignes convulsives, de fractures, d’éboulis. La terre, labourée par de puissantes mains divines.

LAURENCE FORBIN

Cargueiros / Teatro Almada 

2007

Lisbonne,

Portugal

Ancienne élève de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, Laurence Forbin a longtemps partagé sa vie professionnelle entre le théâtre pour lequel elle a conçu décors et costumes et la peinture. Jusqu’à ce que la peinture, toujours plus exigeante soit devenue depuis une dizaine d’années essentielle.

Qu’il s’agisse de la figure humaine qui était au centre de son travail jusque dans les années 2000 ou de la nature qui l’est devenue depuis, c’est le mouvement, générateur de formes, qui semble être son pôle magnétique.

Dans chacun des pays d’Europe où elle a voyagé jusqu’à présent, recherchant des terres où les rythmes élémentaires écrivent avec vigueur, elle a exposé ce qu’elle y avait fait et commence désormais à croiser les itinéraires : l’Ecosse, nord et ouest, la Crimée, la Grèce, l’est de la Turquie, Istanbul, où est née cette série des Cargos présentés ici à Lisbonne qui sera le prélude à un travail aux Açores.

LAURENCE FORBIN

2013

Paris

"…les navires qui sortent des ports,

Les navires qui passent au loin-

Tous ces navires presqu’abstraits lorsqu’ils s’en vont,

Tous ces navires m’émeuvent comme s’ils étaient autre chose,

Et pas seulement des navires qui vont et qui viennent."

Extrait de Ode Maritime, Fernando Pessoa

En avril 2004 j’atterrissais à Istanbul pour la première fois  et en longeant la côte vers la ville  que je souhaitais si impatiemment découvrir  j’ai été saisie par la présence des cargos ancrés dans la mer de Marmara. Il y en avait tant, doucement posés dans la buée scintillante si particulière à Istanbul. J’ai toujours aimé les navires, ces passants des mers pleins de mystère, sans qu’aucun d’eux pourtant ait cherché  à se frayer un chemin avec une telle insistance, une telle détermination dans mon travail.

Presqu’ immédiatement je les perçus selon deux axes : des fantômes heureux que j’allais traiter au fusain sur papier. Les autres, vifs, colorés, chercheraient leur voie dans des couleurs saturées et brillantes sur des feuilles de métal.

Il fallait les approcher, à Istanbul d’abord puis dans d’autres ports, d’autres lumières, à Barcelone, Lisbonne, Edinburg, Pusan en Corée du Sud. Mais d’Istanbul je garde l’émotion première et c’est elle toujours qui inspire mon travail, c’est elle qui me propulse vers d’autres destinations.

Je fais aujourd’hui cette très belle escale abritée des vents à la Galerie Siyah Beyaz, soutenue, aidée par l’Institut français de Turquie.

THEATRE

LAURENCE FORBIN

Seoul Residence

Mai 2008

Depuis 2002 mon travail s’est construit essentiellement hors de mon atelier, hors de France, avec un intérêt porté presqu' obsessionnellement à l’étude de la nature, chaque fois que la vigueur des échanges élémentaires en accélère les métamorphoses, les rythmes, les fractures ; chaque fois que l’homme en fait intégralement partie, chaque fois aussi que la terre semble ne pas avoir été tout à fait délaissée par ses divinités primordiales.

Cap donc vers les côtes ouest et nord de l’Ecosse, la Grèce, l’est de la Crimée, le grand est de la Turquie, et bientôt les Açores.

Chaque exploration a été suivie d’une exposition aussi  intime fût-elle du travail fait sur place. Auparavant en 1987, lors d’un voyage en Chine, j’ai découvert la grande calligraphie cursive des lettrés et leur vision de la nature qui lui insufflait cette « liberté sauvage », selon les mots de Simon Leys. Et ce fut une révélation.

De retour à Paris j’ai suivi des cours de calligraphie chinoise, ce qui ne représente rien de plus qu’ une initiation mais qui a donné plus de charge à cette émotion et sous-tendu je le sais, tout un aspect de mon travail.

Peu de nature à Séoul mais la perspective d’une résidence en 2008 réactive ce désir laissé en friche d’y travailler « l’unique trait de pinceau » auprès d’un maître. 

Lorsque je pars en voyage suis animée par un projet, c’est lui qui me pousse dehors et puis bien souvent il n’en a été que le moteur c’est autre chose qui est advenu. Je suis toujours prête pour cela.

SUSAN MANOFF

Pianiste

2013

Il y a 20 ans au Grand palais nous fîmes une rencontre inattendue avec une œuvre de Laurence Forbin qui nous donna envie de la rencontrer.

Dès lors nous commençâmes  à partager notre vie avec ses peintures……

La force de ses sujets, tant dans les couleurs que dans la forme….

Des corps qui partagent un continuum entre l’agonie et l’extase, en danse, en fête, en volupté comme en dépouillement … des corps remplis de vie et de promesses et des corps décharnés, en ascension, se mêlant déjà à la toile et ouvrant les portes de la vie et de la  mort. Danse macabre ou déposition, où l'on ne sait si la tête posée sur l'épaule du danseur dit l'abandon ou la défaite, la joie ou la tristesse.

Ensuite sont venus des déjeuners sur l’herbe,  joyeux, et des sculptures en métal, des personnages féeriques qui se découvrent, se roulent, s’aiment dans un monde de sensualité.

Des peintures sur tôle….un fond froid sur lequel apparaissent des animaux guerriers, toujours la danse, le mouvement, un voyage vers un ailleurs inconnu où la règle serait la guerre.

Puis les cargos….la forme devient toute puissante, des bateaux/corps qui sillonnent l’eau, leur masse qui se fait sentir, la matière luisante sur la tôle froide, l’eau qui reflète des feux d’artifices…. le cargo, un corps, parfois en folie, parfois sobre et qui cache  un secret. 

Cela fait 20 ans, la rencontre continue et vivre au quotidien entourés de ses œuvres nous  comble.

La découverte reste intacte et neuve.

MHAIRI SMEIR

The Burnside

The vibrancy and movement within this aspect of the artists work creates a feeling of joy in the viewer.

This little book is not intended  as a reference source, rather as a visual reminder of the beautiful and haunting work which is Laurence’s art.

Thank you to Mr J.McEwan and all the Bruichladdich distillery on Islay, indeed the many people on Islay who made it posible for the artist to live and work on the Island and to produce such superb paintings and drawings

TEXTES - THÉÂTRE

FREAKS

Aux bouffes du Nord cet automne

Décoration Internationale

Trente-deux ans et un visage angélique, Laurence Forbin frappe très fort pour ses premiers décors.Elle signe en Avignon l'espace de Freaks, l'adaptation du célèbre film de Tod Browning. Enthousiasme et originalité pour un petit cirque qui n'a pas fini de nous tourner dans la tête.

Voilà près de cinq ans qu’elle est de mèche avec Geneviève de Kermabon, metteur en scène, pour réaliser ce projet qui ne manque pas d’ambition ni de passion. Une piste de bois patiné cerclée de sable, un char ailé et une roulotte à trois étages tous droits sortis de Métropolis. Un portique bleu métallique, qui soutient cordes raides, trapèze et balançoire surmontés d’un filet, épouse la forme arrondie du dôme de la Chapelle des Pénitents Blancs. Dans cette enceinte mystique, nulle autre religion que celle de l’homme. Les personnages de Freaks, un à un, font leur entrée en silence. Ils s’alignent devant nous. Stupeur. Peu à peu, au fil de la pièce, scandée par des chants rauques où les sons argentés d’instruments étranges, le mystère se dévoile en grandissant. À travers les différences, la ressemblance apparaît. Un souterrain et profond s’instaure entre ces êtres difformes mutilés et ceux, de l’autre côté de la scène, assis dans leur fauteuil. Dans ce décor, baigné dans la lumière lunaire d’Alain Poisson, les acteurs vêtus de couleurs pastels et d’ocres fondus, rythmés par quelques taches de couleur vives, évoluent entre ciel et terre. Sur l’espace de la scène, qui n’est déjà plus celle du cirque, la levée des apparences a commencé. L’homme sans faux semblants se dessine. Le temps se brouille. Le jour est la nuit, la nuit se teinte de jour. Plus de points de repères, de linéarité. L’illusion, le rêve et la réalité s’alternent pour bientôt se confondre. « C’est le temps du rêve et de l’obscurité de l’homme », dit Laurence Forbin. La blessure secrète de chaque être –physique ou morale– est aussi le cœur précieux qui les illumine et les rend irréductibles. Laurence Forbin et Geneviève de Kermabon insistent sur leur intention : il ne s’agit pas de voyeurisme ni de pure féérie. Mais de découvertes profondes, non pas sur eux. Mais sur nous. La grande réussite des décors de freaks est un paradoxe. Dans la lumière bleutée, c’est la beauté cachée de ces êtres et les atrocités morales des anges qui saute aux yeux. Décor-révélateur, jamais manichéen, toujours subtil et délicat, où l’ombre, toujours, fera la lumière.

Freaks, aux Bouffes-du-Nord cet automne

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